[A ECOUTER] Web 3.0 : Internet peut-il redevenir un bien commun ? - proposé par France Inter
" À l'heure où l'homme le plus riche du monde s'est offert le réseau social Twitter et alors que le parlement européen s'échine à encadrer le fonctionnement des plateformes avec des textes comme le DSA, quel sera l'avenir du web ? Le web 3.0 pourrait-il être un web des communs ? "
Dans cette émission, François Saltiel s’intéresse au Web 3 ou plus exactement à ce que l’on présente comme l’avenir de l’Internet avec son lot d’utopies et de belles promesses. Un web qui se veut plus décentralisé et inclusif. Un Web où la blockchain pourrait jouer un rôle majeur.
Nous allons donc essayer de le définir tout en faisant le bilan du Web 2, soit l’internet marchand gouverné par des GAFAM tout puissant. Une réflexion qui s’inscrit à l’heure du rachat de Twitter par un milliardaire et d’une volonté européenne de régulation avec à la clef le DSA (Digital Services Act) et le DMA (Digital Market Act).
Une émission réalisée en partenariat avec le magasine Usbek & Rica dont le prochain numéro sera consacré, entre autres sujets, à « l’internet co-propriétaire ».
Comment internet peut-il redevenir un bien commun ? Vaste question, à laquelle vont tenter de répondre deux invités : Spideralex, sociologue, docteure en économie sociale et Benjamin Bayart, co-fondateur de la Quadrature du net.
Le désenchantement du web 2.0
Le web 2.0 est le web social de la conversation, des réseaux sociaux qui s’est totalement métamorphosé avec l’introduction des GAFAM, en quête de rentabilité. Benjamin Bayart, qui milite pour un internet décentralisé et plus éthique, dénonce le web 2.0 et son fonctionnement : "Tous les gens qui vous fichent et qui vous manipulent en permanence dès lors qu’ils saisissent vos données personnelles et les utilisent pour proposer des publicités ciblées sous forme de profilages de contenus ou sous forme de bulles de filtres, saccagent le monde et le bien commun. Ça ne coûte rien et ça leur rapporte quelque chose. Cela crée un dommage important, mais ce n'est pas eux qui le payent."
Le web 2.0 représente aussi un danger pour certains. Spideralex, sociologue, explique que toute utilisation numérique génère des traces personnelles qui nous identifient et qui nous mettent en danger dans la vie matérielle et physique. "Cela veut dire que certaines catégories sociales, les femmes, les minorités, mais aussi les militants, les défenseurs des droits de l'homme, paient un prix plus élevé. Le web 2.0, la centralisation de l’internet et les plateformes des réseaux sociaux ont facilité la normalisation de ces outils pour traquer, harceler, criminaliser ou censurer certains profils. Donc c'est cela qu'on associe aussi avec la fin de l'utopie de l'internet."
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Des solutions pour lutter contre la centralisation d’internet
L'ère des GAFAM aurait-elle signé la mort de nos vies privées ? Pour beaucoup d'observateurs, la centralisation qui caractérise le fonctionnement du web 2.0 a entraîné une généralisation de la surveillance des citoyens par quelques grandes entreprises. Si la promesse du web 3.0 repose en partie sur les perspectives de contournement de cette surveillance de masse grâce à la blockchain, des modèles décentralisés et sécurisés existent déjà, c'est ce qu'explique le co-fondateur de la Quadrature du Net, Benjamin Bayart : "Il y a peu de temps, la Commission Européenne a ouvert un serveur sur le réseau social qui s'appelle Fediverse, qu’on connaît sous le nom de Mastodon. Ils ont créé un serveur qu'ils ont connecté au réseau des quelques milliers de serveurs qui constituent ce réseau-là, qui est une sorte d'alternative à Twitter, YouTube, mais sur un modèle extrêmement différent. Ces serveurs peuvent être développés par des groupes cyberféministes, trans et où les militants se retrouvent entre eux, fixent les règles du jeu et peuvent se protéger collectivement des différents groupes et ont le choix de s'interconnecter avec qui ils le souhaitent. Cela amène un modèle beaucoup plus proche de ce qu'est internet : décentralisé, plus compliqué à contraindre et qui n'est pas facile à acheter.”
Pour participer à la décentralisation d’internet, Spideralex a aussi contribué à la création d’un serveur intitulé Anarca. “Cela fait partie des efforts de souveraineté technologique dans laquelle on construit nos propres infrastructures. C'est un serveur qui a été créé il y a des années et on est plusieurs administratrices à le développer dans différents pays du monde. Ce que l'on souhaitait, c'est apprendre à administrer un serveur. Depuis, on donne des services, on a des contenus pour différents collectifs féministes à travers le monde et on travaille avec d'autres serveurs féministes. Ce n'est pas du même niveau qu'un service offert par les GAFAM, mais ce n’est pas basé sur la vente et la collecte des données personnelles. C'est une solution beaucoup plus respectueuse des possibilités que nous offre Internet et de ce qu'offre le Web.”
Pour ce qui est du web 3.0, qui nourrit beaucoup de promesses et qui est perçu comme le début d’une nouvelle ère, la sociologue Spideralex relativise la révolution annoncée : "Je ne vois pas de solution qui soit offerte, ni techniquement ni socialement par les développeurs du web 3.0. J’observe que le web 3.0 reste lié à un corpus de personnes qui sont très privilégiées et qui ne font pas face à des vraies problématiques sociales et politiques. Il y a très peu de diversité dans ces communautés de développeurs, donc ils ne peuvent pas vraiment développer des solutions inclusives qui réfléchissent à ces questions là.”
Les invité·es :
Spideralex, sociologue, docteure en économie sociale et co-fondatrice du collectif cyberféministe Donestech
Benjamin Bayart, co-fondateur de la Quadrature du net, Président de la Fédération des FDN associatifs et militant pour la neutralité du web et le logiciel libre
avec :
Benjamin Bayart (Cofondateur de la Quadrature du Net, co-président de la fédération des Fournisseur d’Accès à Internet associatifs (FFDN)).