Réponses des candidat-e-s au Conseil d'Etat à la sollicitation d'APRÈS
Dans le cadre de l'élection complémentaire au Conseil d’État du 7 mars 2021, APRÈS a sollicité les candidat-e-s sur 4 thématiques et problématiques au cœur des enjeux de l'économie sociale et solidaire et de la transition écologique: 1. Neutralité Carbone | 2. Investissements | 3. Transition & Emploi | 4. Revenu de Base Inconditionnel.
Nous vous invitons à lire les réponses de Fabienne Fischer et Pierre Maudet ci-dessous, les seul-e-s ayant pour l'instant répondu à nos questions, avant de faire votre choix!
Nous y ajouterons au fur et à mesure les réponses des autres candidats.
1. NEUTRALITÉ CARBONE
Sachant que le plan directeur de l'énergie adopté en décembre dernier prévoit un scénario à - 60% d'émissions de CO2 d'ici 2030, comment vous situez-vous entre (a) un scénario de transition écologique progressive qui va permettre de réduire tendanciellement l'impact carbone de nos activités économiques et (b) un scénario de transition écologique en rupture qui part de la neutralité carbone (1t de CO2/an/habitant-e) et qui n'encourage que des modes de production et de consommation inclus dans cet objectif radical? Comment votre scénario souhaité pourra-t-il se mettre en œuvre et quelles en seront les conséquences? Que signifie pour vous concrètement l'urgence climatique? A quels changements allez-vous préparer les entreprises et la population?
L’urgence climatique ne concerne pas (ou plus) seulement les générations futures. Elle nous concerne d’ores et déjà toutes et toutes, maintenant, à Genève, en Suisse et partout dans le monde.
L’urgence climatique est à considérer avec la plus haute attention. C’est ma priorité politique. Tous les moyens doivent être employés, par tous les acteurs de la société, et l’Etat doit jouer son rôle de pilote, pour prendre les décisions stratégiques, imposer le rythme des réformes, tout en s’assurant que personne ne reste ni ne tombe dans la précarité. La transition écologique ne doit pas se faire sur le dos des plus précaires.
Les Accords de Paris et les engagements pour la Suisse de remplir l’objectif de neutralité carbone en 2050 (sur la base des émissions de 1990) est le cadre conventionnel dans lequel s’inscrit la politique climatique suisse. A Genève, une motion votée par le Grand Conseil demande au Conseil d’Etat d’atteindre 60% de l’objectif carbone en 2030 déjà. La motion initiale des Vert.e.s reprenait les revendications des jeunes de la grève du Climat née du mouvement lancé par Greta Thunberg. Elle demandait la neutralité carbone pour 2030 déjà, et non pour 2050. La majorité du Grand Conseil a jugé cet objectif « irréaliste ». Je ne suis pas de cet avis, et, élue au Conseil d’Etat, je m’attellerai à convaincre les député.e.s que nous avons les moyens d’aller plus vite et plus loin. C’est important car il en va de notre qualité de vie, de notre approvisionnement en eau, de la fertilité de nos sols, de l’air que nous respirons.
Comprendre la durabilité, c’est comprendre que nous n’avons qu’une seule planète et que nous ne pouvons pas dépenser en une année davantage que ce que la planète nous met à disposition. C’est un véritable changement de cap. Il ne s’agit plus de « faire ce que l’on peut » pour baisser graduellement nos émissions de gaz à effet de serre ou notre consommation de ressources naturelles (votre orientation a.), il s’agit de « faire ce que l’on doit » pour restreindre notre consommation à une tonne de CO2 par an et par habitant.e, ce qui est considéré aujourd’hui comme la quantité de CO2 absorbable par la planète (votre orientation b.). Dans ce calcul nous devons bien sûr tenir compte de nos importations, c’est à dire du CO2 dégagé ailleurs qu’en Suisse pour produire les biens que nous consommons ici.
Pour résumer : nous devons penser de manière radicale pour atteindre la neutralité carbone le plus vite possible, « il n’y a pas de Planète B » ; mais nous devons être pragmatiques et faire avec les forces économiques et politiques actuelles. Le Grand Conseil sera renouvelé en 2023, et c’est dès aujourd’hui que nous devons nous préparer à porter au Parlement une majorité favorable au climat.
2. INVESTISSEMENTS
Quels sont les principaux investissements du Canton de Genève qui s'avèrent nécessaires pour assurer le virage de la transition écologique et sociale (Infrastructures, transports, bâtiment, économie circulaire, soutien conditionné aux entreprises)? Et comment comptez-vous les financer ?
La poursuite des objectifs climatiques repose sur une double stratégie.
Premièrement, il s’agit de diminuer graduellement la production de ce qui est nuisible au climat, dans toutes nos pratiques actuelles (que cela soit au niveau de l’Etat ou à celui de la société dans son ensemble). Il me faudra convaincre l’administration et le secteur privé d’entrer immédiatement dans l’ère de la transition. Calculer partout l’impact carbone, pour pouvoir mesurer l’efficacité de nos efforts de diminution. Pragmatiquement, dans mon administration j’instaurerai un éco-budget, et mettrai en place un tableau de bord de notre progression. Je mobiliserai également les entrepreneurs et les syndicats pour que nous scellions ensemble un « Pacte économique et budgétaire de transition climatique », qui réoriente l’économie vers la durabilité, avec des objectifs et des indicateurs transparents que nous pourrons suivre d’année en année.
Deuxièmement, parallèlement, il s’agit d’investir pour une société durable, en effectuant des changements structurels dans notre tissu économique. En effet, la crise du Covid-19 a démontré la fragilité de nos sociétés, notamment du point de vue de notre souveraineté. Reconstituer une économie locale pour la consommation locale est un enjeu central en matière de souveraineté alimentaire, sanitaire et numérique. Que devient notre démocratie directe, quand elle est à ce point dépendante du sud pour sa nourriture, de la Big Pharma pour les politiques sanitaires, de la Chine pour le matériel de santé, des GAFAM pour ses données ?
Il faut donc investir massivement pour la relocalisation de l’économie, dans la rénovation des bâtiments, dans des quartiers et des villages producteurs d’énergie, dans l’agriculture rurale et urbaine, dans la fibre optique (pour se passer de la 5G, je suis en faveur du moratoire).
Tous ces investissements vont générer des milliers d’emplois « non délocalisables », et c’est ce cercle vertueux qui va remettre notre économie sur la voie de la production d’une richesse sociale orientée sur le bien-être des habitants et la durabilité de la planète.
Ces investissements seront très rentables. Il s’agira donc d’attirer les fonds de pensions, des fonds privés destinés aux investissements RSE (responsabilité sociale et environnementale) ou aux investissements dits « d’impact », et même nous pourrons emprunter sous la forme d’obligation d’Etat pour mettre en place ces énormes chantiers. On peut également s’appuyer sur des systèmes de crédits mutualisés innovants, comme l’avait fait le WIR dans les années 30, après la grande dépression post 1929, ou comme le propose la monnaie locale, le Léman.
3. TRANSITION & EMPLOI
Comment pensez-vous accompagner cette transition écologique d'un point de vue de l'emploi, en ce qui concerne l'accompagnement des salarié-e-s et des entreprises dans cette transition des emplois, au sein des secteurs à décarboner, mais aussi d'un secteur polluant à un autre?
Comme la plateforme « Urgence Convergences », à laquelle participe APRES-ge, je suis convaincue que nous pouvons « sortir de la crise par le haut » et que nous ne devons « laisser personne au bord du chemin ». Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Que l’Etat doit accompagner les entreprises dans leur transition, en les incitant fortement (fiscalement notamment) à redéployer leurs activités vers les secteurs durables ou à l’impact social et environnemental positif.
La transition climatique peut néanmoins amener à ce que des secteurs économiques entiers doivent probablement réduire leur voilure (pensons à l’aviation et à l’aéroport par exemple). Il faut donc penser dès maintenant, avec les syndicats, à la reconversion professionnelle, à la formation professionnelle et à la formation continue.
4. REVENU DE BASE INCONDITIONNEL
Que pensez-vous de la mise en place d'un revenu de base inconditionnel ou d'un revenu de transition écologique (qui serait versé en partie en monnaie locale)? Dans la positive, quelle forme lui souhaitez-vous, et quelles en seront les conséquences économiques, écologiques et sociales pour Genève? Et comment pensez-vous pouvoir le financer?
Les mesures d’accompagnement à la transition ne suffiront peut-être pas pour éviter des disparitions d’emploi, dues à la combinaison des faillites de l’après-Covid et de la nécessaire transition climatique. Et il faut à tout prix éviter la casse sociale. C’est pourquoi je suis favorable à entreprendre très rapidement des négociations avec les partenaires sociaux et les groupes politiques au Grand Conseil pour un revenu universel ou un revenu de transition écologique, ou encore un revenu garanti par branche, au moins le temps de la reconversion de notre économie vers la durabilité.
Le filet social genevois est devenu un véritable millefeuille qui perd en efficacité, et en efficience et n’atteint donc qu’imparfaitement ses objectifs. Tous les ayant-droit n’accèdent pas aux prestations, rebutés par la lourdeur parfois excessive des démarches administratives. Un revenu universel serait sans doute plus équitable et, paradoxalement, moins cher. On pourrait envisager également un revenu de transition écologique, versé en contrepartie d’activités orientées vers l’écologie et le lien social. A terme, faisons le pari que ces « investissements sociaux » rapporteraient globalement davantage que ce qu’ils auront coûtés !