Une arme émoussée contre l’évasion fiscale
Une clause d’échange administratif d’informations fiscales conforme à l’art. 26 du traité modèle de l’OCDE reste peu efficace pour lutter contre l’évasion fiscale. Alliance Sud et la Déclaration de Berne réclament l’échange automatique d’information.
Communiqué de presse
Lausanne / Berne, le 30.08.2010 – Contrairement à ceux qui ont été signés jusqu’ici avec les pays les plus pauvres, l’accord de double imposition entre l’Inde et la Suisse rendu public aujourd’hui contient une clause d’échange administratif d’informations fiscales conforme à l’art. 26 du traité modèle de l’OCDE. Mais même assorti d’une telle clause, un tel accord reste peu efficace pour lutter contre l’évasion fiscale. Alliance Sud et la Déclaration de Berne réclament l’échange automatique d’informations.
« Il faut se réjouir que la Suisse ne réserve pas l’échange d’informations à la demande aux pays de l’OCDE », affirme Dharmendra Kumar, directeur d’India FDI Watch Campaign, une coalition d’ONG indiennes partenaire de la Déclaration de Berne (DB). Mark Herkenrath, expert financier auprès d’Alliance Sud, parle également d’un progrès. Il critique néanmoins la discrimination à l’encontre des pays les plus pauvres qui résulte de la politique suisse pratiquée en matière d’entraide fiscale. « De toute évidence, la Suisse n’est disposée à admettre l’échange d’informations à la demande qu’à l’égard de pays économiquement forts. Les pays les plus pauvres continuent à en être exclus, comme en témoignent les conventions signées récemment avec la Géorgie et le Tadjikistan. »
S’il s’agit certes d’un progrès, l’entraide à la demande n’est toutefois qu’une arme émoussée dans le combat contre l’évasion fiscale internationale. Pour pouvoir déposer une demande d’entraide, les autorités requérantes doivent en effet connaître en détail les données qu’elles cherchent à obtenir. Afin que leurs démarches soient considérées comme recevables, les autorités indiennes devront ainsi non seulement fournir des informations précises sur le contribuable indélicat dont elles aimeraient identifier les fonds, mais également indiquer les coordonnées de la banque dans laquelle il est soupçonné de détenir un compte ou celles de son gestionnaire de fortune.
Si de telles conditions sont déjà difficiles à satisfaire pour des pays développés, elles le sont davantage pour les administrations fiscales encore faibles des pays du Sud. En outre, les autorités suisses ne se privent généralement pas d’exiger des contreparties à l’inclusion dans leurs accords de double-imposition d’une clause d’échange de renseignements, qu’elles présentent comme une concession à leurs partenaires. L’accord signé avec l’Inde prévoit que les taux d’imposition à la source des revenus provenant de licences, des paiements pour des services techniques, des dividendes et des intérêts que les investisseurs suisses retirent de leurs opérations transfrontalières seront immédiatement adaptés à la baisse si l’Inde venait à signer un accord plus avantageux avec un pays de l’OCDE (clause de la nation favorisée au bénéfice de la Suisse). De tels cadeaux fiscaux peuvent rapidement coûter très cher à un pays en développement. Peut-être même plus que les avantages procurés, dans le meilleur des cas, par l’arme émoussée de l’échange d’informations.
Selon Olivier Longchamp, responsable finances et fiscalité internationale à la Déclaration de Berne, « l’échange automatique d’informations fiscales est le seul système permettant de garantir l’imposition de la fortune transfrontalière selon les règles en vigueur dans le pays où son propriétaire est contribuable ». C’est pour cette raison qu’une commission d’experts de l’ONU, dirigée par le détenteur du prix Nobel d’Economie Joseph Stiglitz, et de nombreuses ONG en demandent l’instauration.
D’après les calculs de la DB, les avoirs soustraits aux fiscs des pays du Sud et déposés sur les comptes des banques suisses se monteraient au moins à 400 milliards de francs. Sans une lutte décidée contre l’évasion fiscale et une hausse significative des ressources fiscales, les pays en développement ne parviendront pas à atteindre les objectifs du millénaire de l’ONU (notamment la réduction de moitié de la pauvreté au niveau mondial d’ici à 2015). De ce point de vue, l’adoption d’un article 26 conforme aux lignes directrices de l’OCDE dans l’accord qui vient d’être signé est un progrès.
Pour plus d’informations :
Olivier Longchamp, responsable finances et fiscalité internationale, Déclaration de Berne, 021/620.03.09, longchamp@ladb.ch
Mark Herkenrath, responsable finance internationale, Alliance Sud, 078/699.58.66, Mark.Herkenrath@alliancesud.ch