Trois buvettes d’été qui font la nique aux bars lounge
WEEK-END | Cropettes, bateau Genève et terrasse des Lavandières: c’est le trio gagnant et popu des zincs en plein air.
Un bout de carton suspendu à une ficelle. Sur le carton, rédigé à la main, un message amical à la clientèle: «La buvette est ouverte au public. Bienvenue à tous. Service soigné.» Le mobilier, lui, l’est un peu moins. Container vert bouteille, caisses à outils de cantonnier, bancs et tables de bal des pompiers. Cette déco simplifiée est une insulte aux bars lounge de la ville, un truc improbable à donner des boutons à la Commission des monuments et sites. Cette chose urbanistique d’un autre âge a son adresse (le parc des Cropettes), ses fidèles (les habitants du quartier des Grottes) et sa réputation, qui recrute jusque dans le sud de la France. Guillaume, 27 ans, vient de la région de Narbonne. Il n’est à Genève que depuis un mois à peine, mais il connaît déjà tout le monde. «La buvette des Cropettes, c’est mieux que Facebook.» Les amis que l’on se fait ici ne sont pas virtuels, ils n’ont pas leur tronche enfermée dans des petits médaillons funéraires. Ils bougent, vivent et rigolent sous les platanes. Le cochonnet, c’est bien connu, favorise le lien social. Il n’empêche. On peut ne pas taper la boule et se sentir bien dans ce «spot». L’endroit a en effet une âme et du contenu. En fin de journée, à l’heure de l’apéro, il se remplit comme une Fête des voisins permanente. Quarante à cinquante personnes. Toutes ne sont pas forcément des adeptes de la «triplette montée», des tireurs au poignet souple et victorieux.
Moustache Belle Epoque
Le plaisir élémentaire de boire un verre passe avant les compétitions du week-end. Au service, Francesco et sa moustache Belle Epoque. Il commente la carte affichée sur la porte du riant container. «Des prix pétanque: la bière est à 2 francs, le pastis à 2 fr. 50 et le whisky coca à 7 francs.» Qui dit mieux sur l’autre rive? Personne. Ajoutez les excellentes tortillas – recette indigène, en espagnol dans le texte – et la paella du samedi soir, préparée à la commande, en configuration valencienne ou fruits de mer. Le génie du lieu a sa version lacustre. Quai Gustave-Ador, bateau Genève, pont supérieur. Vue imprenable sur la rade, canapés, transats et petits prix. Derrière le bar, des gens dans la précarité, encadrés par des travailleurs sociaux. Midi et soir, un buffet de salades aux produits indigènes (sauf les crevettes, qui ne sont pas pêchées dans le lac!), des tapas et des portions de raclette. Les tarifs restent amicaux. On fait la queue sans s’énerver, en suivant simplement la rangée de bouées de sauvetage qui ramène au zinc. Déco de seconde main, jardinière plantée dans de grandes casseroles. C’est beau? Oui, c’est beau comme sur l’image ci-dessus.
Entre les bras du fleuve
La buvette du bateau a sa petite sœur au fil du Rhône. Promenade des Lavandières, entre les deux bras du fleuve. Une roulotte posée au pied des saules, un cadre forain qui se devine depuis le pont de la Coulouvrenière. Au soleil couchant, la Barje est le troisième plus bel endroit du centre-ville. Triplette gagnante de buvettes. Guillaume a l’été devant lui pour les découvrir. «Mon job est assez stressant. Je suis barman. Pour me détendre, je joue aux boules en matinée et, parfois, à la fin de mon service. Les gens, ici, se respectent et s’apprécient. Ils savent également se parler. L’image de la Genève calviniste, repliée sur elle-même, n’est pas exactement celle que j’ai découverte. On vit dehors jusque tard le soir comme dans le Sud.» Buvettes sans frontières et pastis dans toutes les langues.