Suisse: l'habitat coopératif soutenu en tant qu’acteur du logement social
Article de l'Économie Sociale et Solidaire en Région sur la CODHA.
L’histoire est ancienne entre le Canton de Genève et les coopératives d’habitation. Celles-ci représentent 5 % du parc locatif du canton qui compte 467 000 habitants, dont 93 % vivent en location. Du cautionnement d’emprunt à l’accès facilité au foncier en passant par le prêt à terme pour compenser la faiblesse des fonds propres, la palette des dispositifs publics est large. Elle se justifie par le rôle des coopératives d’habitation pour assurer une offre pérenne de logement aux loyers raisonnables, non soumis aux vibrations du marché.
L’histoire débute avec la fin de la bulle immobilière qui fit exploser les prix de l’immobilier genevois entre 1980 et 1992. A l’époque le déploiement d’un parc de logement social dit "bon marché" repose sur l’engagement de promoteurs privés ouverts à louer à prix raisonnable leurs biens en contrepartie d’une subvention attribuée sur les vingt premières années d’exploitation de l’immeuble. Le retour dans le marché libre de ces appartements au-delà du délai de 20 ans provoqua l’évaporation d’un parc social dont l’importance fut divisée par deux entre les années 70 et 90. L’Etat de Genève décida alors de réorienter sa politique de logement social. "Favoriser les organisations sans but lucratif était un moyen d’assurer la pérennité du parc de logements sociaux", relève Philippe Favarger, directeur de l’Office du logement de l’État de Genève (État = Canton).
Cautionner et prêter
Les banques demandant un apport en fonds propre minimum à hauteur de 20 % de l’investissement, un outil de cautionnement fut institué pour réduire cette part. Les coopératives peuvent solliciter une garantie sur 15 % de l’investissement de la part de l’État de Genève ce qui a pour effet d’augmenter la capacité de prêt et limiter les besoins en fonds propre à 5 % pour les coopérateurs. Par ailleurs l’État de Genève dispose d’une offre de prêt à cinq ans dont le taux d’intérêt est inférieur à la pratique du marché. Il permet de financer les 5 % restant des fonds propres à apporter par les coopérateurs. Mais, comme l’indique Philippe Favarger, le recours à ce prêt est "d’application très variable, dès lors que les coopérateurs disposant des fonds nécessaires ne le sollicitent pas".
Accès au foncier
Lorsque l’État de Genève consulta les acteurs non lucratifs de l’immobilier en 1996, un deuxième obstacle à leur développement fut identifié : "les coopératives manquaient de terrains pour développer leurs projets", explique Eric Rossiaud, président de la Coopérative de l’habitat associatif (Codha). A l’époque la Codha est une jeune organisation qui renouvelle le modèle de coopérative d’habitation en s’inspirant du modèle suisse allemand du Wogeno*.
L’Etat trouva la réponse en créant en 2001 la Fondation pour la promotion du logement bon marché et de l’habitat coopératif (FPLC). Cette fondation d’utilité publique, dotée aujourd’hui de 35 millions de francs suisse par an (29 millions d’euros), se porte acquéreur de terrains qui sont ensuite vendus ou loués dans le cadre d’un bail emphytéotique (d’une durée de 99 ans) aux coopératives. L’attribution se faisait jusque-là au sein du Groupement des coopératives d’habitation genevoises qui réuni 52 membres. Des coopératives d’habitants indépendantes, des coopératives faîtières comme la Codha ou encore les coopératives d’origine syndicale dont l’histoire remonte à la fin du XIXe siècle. Mais une réforme est en cours pour passer à une forme d’appel d’offre, plus exactement un appel public à candidature afin de présélectionner les candidats pour chaque terrain, le Conseil de la fondation restant l’ultime attributaire du bail. Le soutien de l’État de Genève aux coopératives d’habitation a permis, depuis 20 ans de dynamiser et diversifier les acteurs. La Codha, qui a participé à la création de la Chambre de l’économie sociale de Genève en 2004, gère aujourd’hui 200 logements, mais elle compte 1400 membres. Un signe, pour son président Eric Rossiaud, qu’il y a une "aspiration très forte à rechercher un autre rapport à l’habitat."
* Le Wogeno est une coopérative qui propose ses services aux groupes qui souhaitent créer un habitat coopératif. Ils construisent alors leur projet avec les outils et le cadre juridique du Wogeno qui sera la coopérative propriétaire de l’immeuble, loué à l’association de gestion formée par les habitants. La Codha reprend le modèle suisse allemand du Wogeno, qui représente 15 % de l’immobilier zurichois. La Codha promeut un modèle qui laisse sa place à la participation et à la mixité sociale dans chaque projet et chaque locataire est aussi sociétaire de la Codha.