Politique d'achat publique: état des lieux et débat sur un accès préférentiel aux acteurs de l'économie sociale et solidaire
12ème Café des bonnes pratiques des organisations de l'ESS, 5 mai 2009
Introduction
Les entités publiques, cantonales ou communales, dépensent chaque année des sommes importantes en achats de biens et de services. Des règles fixent les conditions d'attribution de ces marchés publics. Si progressivement des critères de développement durable ont fait leur apparition dans les critères retenus pour le choix de prestataires, il reste certainement une marge de progression importante pour une utilisation des deniers publics la plus conforme possible à des critères sociaux et environnementaux exigeants.
Les acteurs de l'économie sociale et solidaire, par leur finalité centrée sur l'intérêt commun, par leur désintéressement financier via le statut d'organisation à but non lucratif, ou encore par l'intérêt élevé porté aux critères sociaux et environnementaux, apparaissent comme des partenaires « naturels » des pouvoirs publics.
Si le secteur de l'économie sociale et solidaire a été désigné pour la première fois dans une loi (la Loi sur le chômage, via les emplois de solidarité) comme un partenaire privilégié de l'État dans le domaine de la réinsertion socioprofessionnelle, il peine encore à s'imposer sur un terrain plus économique. La réflexion sur une attribution préférentielle de marchés publics au secteur de l'économie sociale solidaire a donc toute sa pertinence.
Nous avons demandé aux participants d’apporter leurs expériences et réflexions, en se posant notamment les questions suivantes :
- Connaissez-vous les règles d'attribution des marchés publics?
- Êtes-vous un fournisseur de prestations envers l'État de Genève ou des communes?
- Pensez-vous qu'un traitement préférentiel devrait être accordé aux entreprises et organisations de l'économie sociale et solidaire dans l'attribution des marchés publics?
- Quels vous paraissent les critères pertinents pour effectuer cette sélection préférentielle ?
Mme Alicia Calpe, Directrice de la Centrale commune d'achats du canton de Genève
Les entités publiques du canton et de la ville de Genève dépensent chaque année des sommes importantes en achats de biens et de services. Des règles fixes les conditions d'attribution de ces marchés publics. Si progressivement des critères de développement durable ont fait leur apparition dans les critères retenus pour le choix de prestataires, il reste certainement une marge de progression importante pour une utilisation des deniers publics la plus conforme possible à des critères sociaux et environnementaux exigeants.
Les acteurs de l'économie sociale et solidaire, par leur finalité centrée sur l'intérêt commun, par leur désintéressement financier via le statut d'organisation à but non lucratif, ou encore par l'intérêt élevé porté aux critères sociaux et environnementaux, apparaissent comme des partenaires « naturels » des pouvoirs publics. La réflexion sur une attribution préférentielle de marchés publics au secteur de l'économie sociale solidaire a donc toute sa pertinence.
Synthèse
En organisant ce café, APRES voulait mieux faire connaître à ses membres l’état et les potentialités des marchés publics, les canaux par lesquels on peut y participer. Le second objectif était aussi de débattre de la « préférence à l’ESS » que les collectivités publiques peuvent ou non appliquer lorsqu’elles sélectionnent les offres qui leur sont soumises.
14 personnes représentant 10 associations ou entreprises membres d’APRES ont participé à ce café qui a commencé par deux exposés introductifs de Mme Alicia Calpe de la Centrale d’achats de l’Etat et de M. Simon Keller de la Centrale d’achats de la Ville de Genève.
Ce fut l’occasion d’apprendre que les achats des collectivités publiques suivent des procédures détaillées et bien définies, adossées à une liste de critères minimaux que tout soumissionneur doit remplir pour que son offre soit admise à concourir. Le tout est encadré par une cascade de lois et règlements qui vont des accords internationaux signés par la Suisse aux lois d’application cantonales, en passant par la loi fédérale sur les marchés publics. La marge de manœuvre des services d’achats des collectivités publiques est donc étroite, mais elle existe. Elle existe notamment pour l’attribution des contrats de petits montants (inférieurs à CHF 100'000) qui se fait de gré à gré, dans une mesure moindre pour les contrats inférieurs à CHF 250'000 pour lesquels l’appel d’offre est fait sur invitation. Au-delà de ce montant, l’appel d’offre est public.
A part les critères habituels que les fournisseurs doivent remplir (entreprise en ordre avec les lois, viable, si possible certifiée qualité et offrant des produits conformes aux principes du développement durable), il faut souligner que le critère de prix fait aussi partie de la liste. S’il est normal que les collectivités ne dilapident pas l’argent des contribuables, on notera cependant que la mise en concurrence des fournisseurs à partir du prix des offres peut fort bien entrer en contradiction avec tout ou partie des autres critères de la liste.
Le critère du prix peut notamment défavoriser les entreprises de l’ESS dans la mesure où, s’obligeant à respecter des règles démocratiques, sociales et éthiques, celles-ci n’arrivent pas forcément à égaler les prix des entreprises marchandes à but lucratif.
A la question de savoir si les collectivités publiques peuvent pratiquer une « préférence à l’ESS », la réponse est sans ambiguïté : oui, en cas d’égalité de prix ! Mais cette situation n’apparaît pratiquement jamais, s’empressent d’ajouter les deux intervenants. On voit à l’aide de cet exemple que le critère du prix est dominant, conformément au principe d’instaurer une concurrence efficace entre soumissionneurs, ce qui est la règle dans la nouvelle gestion publique.
Une autre manière de respecter des critères de développement durable serait de favoriser les achats locaux, lorsque le marché local propose les biens désirés. Cela signifierait que les offres provenant d’entreprises non locales (selon un périmètre à définir) pourraient être écartées mêmes si leurs prix étaient inférieurs à ceux des entreprises locales. Il s’agirait en fait d’ériger une barrière protectionniste afin de soutenir une politique plus durable. On s’en serait douté, cette solution est devenue impossible et même illégale depuis que la Suisse a ratifié les accords de l’OMC sur l’ouverture des marchés publics, lesquels ancrent le principe de non-discrimination (mondialisation, quand tu nous tiens !).
Il y a donc contradiction entre deux logiques, la logique de concurrence par les prix d’une part, et la logique d’une politique d’achats publics qui intégrerait les critères de solidarité et d’écologie.
Cette contradiction est difficilement surmontable puisqu'une partie du carcan législatif est négociée à un niveau international, comme à l'Organisation mondiale du commerce, ou au niveau fédéral. Reste une marge d'action locale, qui permet d'exploiter les espaces restants ou alors d'engager une action de type politique. Dans cette perspective, Christian Lopez, directeur de l'OSEO, et 11 autres membres du Conseil municipal de la Ville de Genève ont déposé le 6 avril 2009 une motion invitant les autorités à « favoriser les achats de produits issus de commerce équitable ».