Comment favoriser l’emploi des personnes en situation de handicap dans l’ESS ?

(Fondation Ensemble, membre d’APRÈS-GE) pose brièvement la problématique : quelles personnes la société place-t-elle véritablement dans « les personnes en situation de handicap » ? Le paradoxe est le suivant : manifester une volonté de défendre de telles personnes tout en les considérant au travers de leur diagnostic (grilles de symptomatologie). Même la Classification internationale du fonctionnement du handicap et de la santé peine à se déployer dans la pratique et la mise en œuvre de la législation qui existe en la matière. A ce jour, la Convention de l’ONU n’a toujours pas été ratifiée par la Suisse, craignant comme conséquence d’avoir davantage à s’adapter aux personnes en situation de handicap, ce qui engendrerait un coût financier élevé que refusent beaucoup de mouvements politiques. L’obligation d’emploi d’une telle population à laquelle est assujettie officiellement depuis 2005 toute entreprise en France de plus de 20 salariés (quota de 6%), est complètement inexistante dans notre pays.

(Actifs, membre d’APRÈS-GE) présente l’association dont la mission est le placement, l’accompagnement, le suivi professionnel et la formation continue de personnes vivant avec un handicap mental léger à modéré dans l’économie genevoise. Par une démarche individualisée, Actifs travaille à encadrer chacune d’entre elles en prenant en considération ses compétences et en tenant compte des besoins de l’entreprise où elle est placée en premier lieu en tant que stagiaire puis au bénéfice d'une formation à durée variable, puis sous contrat. Actuellement, 75% des personnes (= 45 « usagers ») occupent ces emplois dans des secteurs très variés comme le secteur administratif, hôtelier, petite enfance, etc. Preuve est faite que le besoin d’annuler les représentations qu’on a sur ces personnes est capital !

(Ergothérapeute, co-fondateur Arcade84, membre d'APRÈS-GE) tient à donner une définition du « handicap psychique », se référant, entre autre, au travail de recherche, PNR 45, de l’OFAS : « l’handicap psychique est la résultante entre des limitations fonctionnelles et relationnelles d’une personne et les facteurs contextuels de l’environnement ». On ne peut pas faire l’impasse sur la question du problème des traitements. Chercher à développer les compétences de la personne et à améliorer sa santé psychique nécessite des ressources importantes. C’est ce qui est réalisé aujourd’hui. Cependant, c’est sur la question de l’intégration au travail que l’on constate des manques : comment adapter celui-ci à des personnes qui peuvent rencontrer des problèmes d’organisation, de mémoire, de concentration, de perte d’énergie, à qui il peut paraître difficile d’être au contact d’autres personnes, etc. ? Tous ces aspects montrent la nécessité de travailler à soutenir les personnes en situation de handicap sur le lieu même de leur travail, ce que peut faire un service d’accompagnement prévu à cet effet au sein d’une entreprise. L’exemple de la Fondation Clair Bois, qui a créé un tel service en faveur de ces personnes qu’elle place au sein de leurs différents secteurs (cuisine, buanderie, entretien,..) est exemplaire. Dans le cadre de l’association Arcade84 « nous adaptons également notre environnement de travail et nous engageons des personnes, à l’A.I. pour des raisons psychiques ». Mais tout le tissu économique d’une région devrait « jouer le jeu », car force est de constater qu’il y a là, échec. La question de l’emploi devrait être une affaire de responsabilité sociale et économique, avec une mise à disposition de places de travail pour tous. Une réelle volonté de faire avancer les choses n’est vraiment pas d’actualité. Ainsi la question des quotas par entreprise doit être discuté et proposé au niveau de la politique fédérale.

Le débat qui suit permet de clarifier quelques questions posées par les membres.

• Même si des lois ont été adoptées (pour en savoir plus, http://www.egalite-handicap.ch/news_francais.html), incitant à l’intégration et à la mise en place d’une employabilité, force est de constater que les entreprises qui emploient des personnes en situation de handicap sont encore trop rares en Suisse. Or il devrait s'agir de la responsabilité sociale de toute entreprise, celles de l'ESS à fortiori. Réponse : ceci n'est possible que si des emplois sont disponibles. Il y a nécessité pour les entreprises de mettre à disposition des places de travail, incluant également des postes de cadres.
• Réserver certains postes à de telles personnes oblige à casser des croyances en matière de culture, de représentation qu'on a d'elles. Parle-t-on dans notre société des qualités que développent par exemple des malvoyants ou non-voyants ? Réponse : ce pourrait être une piste de réflexion d'un service des ressources humaines au sein de l'entreprise. 
• La question aussi du type de contrat de travail à privilégier pour ces collaborateurs potentiels est posée, compte tenu de la menace qui pèse alors sur eux d'une réduction de leurs rentes AI puisque salaire perçu. 
• Où vraiment s'adresser pour recevoir toute information utile relative à l'emploi de personnes en situation de handicap ? Réponse : de manière générale, l'on ne peut que déplorer l'absence de services spécialisés, aucun modèle n'existe vraiment, s'agissant semble-t-il aujourd'hui seulement de la compétence de l'assistance sociale. L'OCE lui-même souffre d'un tel vide de service orienté entreprises. Le dispositif inter-institutionnel EQIP (Encouragement à la Qualification et à l'Insertion Professionnelle) lui est orienté seulement sur la réinsertion des jeunes. 
• Si des ressources existent indépendamment les unes des autres, avec des services d'encadrement et accompagnement pour les entreprises au sein même des structures comme celles citées plus haut (on peut également relever à ce sujet les résultats significatifs des EPI et de la Fondation SGIPA qui ont respectivement placées 3 personnes chez Caran d’Ache et 22 personnes chez Firmenich), elles n'apparaissent néanmoins pas coordonnées pour satisfaire un public en demande d'information générale et spécifique.

En conclusion, quelques principes qui pourraient servir de base à une réflexion plus approfondie sur ce thème pour toute entreprise de l’ESS porteuse des valeurs d’utilité et responsabilité sociale :

1. Nécessité de changer au sein de l’entreprise les représentations sur les personnes en situation de handicap, par plus d’initiatives des acteurs, visant plus de sensibilisation, conscientisation et d’accompagnement du personnel existant.
2. Besoin de créer une politique d’emploi impliquant la conception d’outils de gestion des ressources humaines humaines intégrant les personnes en situation de handicap, convaincu des effets bénéfiques qu’elle peut avoir sur l’entreprise.
3. Possibilité d’accompagnement spécifique proposé par les professionnels de l'accompagnement de personnes en situation de handicap au sein des entreprises de l’ESS.
4. Volonté d’APRÈS-GE de rassembler et faire coopérer les acteurs de l’ESS en croisant les dispositifs et ressources existants des entreprises/associations déjà orientées sur l’insertion des personnes en situation de handicap.