Il y a mieux que le PIB pour mesurer notre bien-être
Caroline Dommen, membre du comité d'APRÈS-GE et Directrice de l'Association internationale pour une économie féministe était l'invitée de l'Opinion de la Tribune de Genève, le 6 juin dernier.
Résidents de Genève, comment allez-vous? La réponse est simple: 112’347 francs suisses.
(source: Ocstat)
Ce nombre correspond au produit intérieur brut (PIB) genevois par habitant. Bonne nouvelle: votre PIB a augmenté de 5% en un an!
Maintenant que vous avez ces données en tête, vous allez pouvoir faire les bons choix économiques pour vous et votre famille! Réponse absurde?On mesure pourtant la santé économique de notre canton par son PIB, chiffre qui s’obtient en additionnant la valeur totale des biens et services produits dans le canton sur une période de temps donné. Quand le PIB croît on est content; notre économie est saine.
Imaginez donc les dommages pour le PIB si vous gardez les enfants de votre sœur, si vous empruntez un livre à la bibliothèque, ou si vous vous déplacez à pied. En vous comportant ainsi vous privez le PIB cantonal des montants que constitue le paiement du baby-sitter, l’achat d’un livre neuf ou le leasing d’une voiture. Par contre, avoir un accident de la route ou une grave dispute avec vos voisins contribue positivement au PIB par les frais hospitaliers ou d’avocat occasionnés.
Le PIB tient sa force de son apparente simplicité. Ainsi il ne reflète ni la valeur des liens sociaux, ni les inégalités économiques, ni la dégradation de la nature. La phrase de Robert Kennedy le résume bien:
«Le PIB mesure tout, sauf ce qui rend la vie digne d’être vécue.»
Les mises en garde contre l’utilisation du PIB comme mesure du bien-être économique sont aussi anciennes que l’indice lui-même. Malgré cela, décideurs politiques, économistes, analystes et journalistes continuent de s’y référer.
Heureusement que l’adoption d’autres indicateurs est à l’étude dans toutes les régions du monde. Nombre de pays et de collectivités, observant l’écart grandissant entre la mesure du PIB et ce que les gens ordinaires perçoivent de leur propre situation socio-économique, développent des indicateurs de bien-être. Un groupe de pays élabore des politiques fondées sur l’économie du bien-être («Wellbeing Economy»). L’Écosse par exemple intègre l’objectif d’une économie du bien-être dans sa stratégie économique.
Plus près de nous, Bruxelles a développé un indicateur unique pour servir de boussole aux politiques économiques afin que celles-ci mènent la région bruxelloise vers un espace sûr et juste pour l’humanité. Cet indicateur, nommé le «Brussels donut», indique visuellement un plancher de justice social ainsi que les limites environnementales que toute politique doit respecter. D’autres villes – dont Amsterdam, Barcelone ou Grenoble – développent leur propre boussole sur des bases similaires.
Genève a depuis 2003 un «Cercle d’indicateurs» qui reflètent des valeurs sociales, environnementales et économiques. Ceux-ci semblent toutefois méconnus tant du public que des acteurs économiques.
Le défi aujourd’hui est de développer ces indicateurs pour qu’ils soient incontournables dans la prise de décisions économiques. L’objectif étant d’orienter l’économie vers des résultats qui offrent aux Genevois non seulement un haut revenu moyen mais aussi toutes les composantes d’une bonne qualité de vie, en valorisant et en mesurant ce qui compte réellement, en redéfinissant le progrès sociétal et en priorisant le bien-être et la prospérité à long terme.
APRÈS, le Réseau de l’économie sociale et solidaire, relève ce défi, sous l’intitulé «Mesurer ce qui compte pour vivre mieux».
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