Consommer moins, mais mieux est désormais perçu comme une valeur positive

[ REPUBLICATION ]

“Les entreprises auraient tout à gagner en expliquant aux clients pourquoi leur produit coûte tel prix. Cela encouragera les consommateurs.”

L’écart entre la volonté de s’engager sur le plan écologique et le véritable passage à l’acte reste colossal, selon une nouvelle étude. En cause ? Le prix, encore perçu comme le frein principal pour franchir le cap. Mais d’autres facteurs entrent également en ligne de compte, comme le manque d’information ou l’absence de transparence des entreprises.

Décryptage avec Pierre Gomy, Head of Sustainability, Central & Southern Europe chez Kantar Insights.

Consommer local, acheter moins de vêtements, freiner sur la voiture, éviter l’avion… Les citoyens sont conscients de l’urgence de réduire leur empreinte carbone. Mais ils rencontrent toutefois des difficultés à passer concrètement à l’acte ou à adopter des habitudes écologiques sur le long terme. Un phénomène sociétal bien connu que les anglophones appellent le “value-action gap“, et que Kantar Insights France surveille de près. L’institut d’études publie une nouvelle étude réalisée sur un panel de 1 000 Français et Françaises, qui révèle que 95% des consommateurs souhaiteraient adopter une consommation plus responsable, mais que seulement 13% déclarent avoir changé leurs habitudes. La raison principale ? Leurs revenus ne leur permettent pas d’accéder aux produits et services écologiques, généralement plus chers. L’enquête dévoile également les leviers de la transition écologique auxquels les consommateurs se montrent les plus réceptifs et qui peuvent “nourrir la réflexion de certaines entreprises pour aider leurs clients à résoudre cette équation”, estime Pierre Gomy, Head of Sustainability, Central & Southern Europe chez Kantar Insights. Entretien.

En dehors du pouvoir d’achat, quels autres facteurs freinant la volonté des consommateurs de s’engager durablement avez-vous identifiés ?

Le prix ressort en effet systématiquement comme principale barrière. Mais il y a aussi un manque criant d’information : les consommateurs ne savent pas toujours comment savoir si un produit est écologique ou non, ou alors, ils doutent des renseignements qu’ils ont à leur disposition, ce qui pose également la question de la fiabilité des labels. La difficulté de se procurer certains produits est aussi fréquemment évoquée : on ne sait pas forcément où se rendre pour les trouver. Sans oublier que l’habitude de faire ses courses le plus vite possible, de façon presque mécanique, revient assez vite. Pressés, les consommateurs qui réalisent leurs achats dans les grandes surfaces ont tendance à se diriger vers des produits qu’ils connaissent et ne prennent pas toujours le temps de chercher des produits plus respectueux de l’environnement.

Il y a aussi le doute sur la qualité équivalente du produit durable par rapport à celui qui ne l’est pas. Il est par exemple fréquent d’entendre que la vente en vrac est moins hygiénique que les produits vendus dans leur emballage ou que la voiture électrique est moins performante que la voiture thermique… À ces freins s’ajoute une difficulté certaine à renoncer à nos habitudes. Et rien d’étonnant à cela, puisque nous évoluons depuis 60 ans dans un modèle qui nous incite à consommer pour notre plaisir, toujours plus et tout le temps !

Parmi les solutions que les consommateurs sont les plus enclins à mettre en place pour s’engager sur le plan écologique, on distingue celle de s’essayer à l’autosuffisance, plébiscitée à 69% par les sondés. Ce résultat vous a-t-il surpris ?

Oui, car c’est la première fois qu’il ressort de façon aussi nette dans l’une de nos études. Cette notion d’autosuffisance est large, puisqu’elle englobe aussi bien la volonté de fabriquer ses propres produits ménagers, que de cultiver son potager ou encore de produire son électricité. L’impact du Covid n’y est sans doute pas étranger, tout comme le contexte d’inflation, bien sûr.

Dans la même mouvance, mais de façon plus globale, la sobriété est prônée par 72% des répondants. Le fait de consommer moins, mais mieux est désormais perçu comme une valeur positive, et non comme de l’écologie punitive, avec un sentiment de fierté et d’auto-satisfaction. Même si, là encore, le prix va s’avérer encore très déterminant face à l’acte d’achat au moment où l’on se retrouve dans le magasin. La tentation d’acheter deux pulls à bas prix dans un magasin de fast-fashion au début de l’hiver quand on commence à avoir froid peut par exemple rapidement prendre le dessus !

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Photo : aldomurillo / Getty Images

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