La coopérative : des origines agricoles à l’économie de marché globalisé

A travers le monde, les organismes coopératifs représentent un milliard de personnes dont un million en France. Ces chiffres montrent que les structures d’économie sociale sont une réalité concrète voire un modèle d’avenir partagé par tous les pays.

Le secteur historique en tête

L’Alliance coopérative internationale définit la coopérative comme « une association autonome de personnes volontairement réunies pour satisfaire leurs aspirations et besoins économiques, sociaux et culturels communs au moyen d'une entreprise dont la propriété est collective et où le pouvoir est exercé démocratiquement ». La filière agroalimentaire constitue une des figures de proue du système coopératif, qui puise ses origines au XIXe siècle : la première coopérative agricole française a été créée en 1888, afin de faire face à une surproduction de lait. Ce modèle de gouvernance démocratique (un homme pour une voix) a permis à ce secteur de répondre aux différentes crises auxquelles il a été confronté et d’accompagner le développement de l’agriculture grâce aux coopératives d’achat puis de service.

Aujourd’hui encore le modèle coopératif est largement utilisé dans l’ensemble des filières agricoles, où ¾ des agriculteurs adhèrent au moins à une coopérative. Ces dernières représentent en effet 40 % de l’agroalimentaire français avec des marques reconnues sur le marché mondial telles que Yoplait ou Banette et assurent 60 % de la mise en marché de la production agricole française. L’an passé, trois coopératives agricoles se sont notamment unies pour devenir Evolution , aujourd’hui leader européen dans les métiers de la génétique bovine. « Nous voulions construire, réussir et développer dans le Grand Ouest un acteur majeur qui soit une référence mondiale sur le marché de la génétique et des biotechnologies d’élevage multi-espèces », précise Vincent Rétif, ancien président de Génoé, une des coopératives. Même appétence chez le groupe coopératif InVivo qui a racheté le suisse Pancosma pour se hisser parmi les cinq acteurs mondiaux des additifs pour l’alimentation animale. Une réussite qui séduit au-delà du secteur agricole pour toucher les différentes activités de l’économie.

L’essor de la coopérative

En effet, le modèle coopératif s’installe parmi d’autres secteurs pour y constituer des leaders. Les trois cents plus grandes coopératives et mutuelles mondiales constituent, à elles seules, une puissance économique équivalant à la 9ème économie mondiale. Parmi ces acteurs, s’illustrent notamment des banques et des assurances. Les banques et les assurances coopératives (ou mutuelles) sont celles où les clients sont sociétaires, c’est-à-dire qu’ils possèdent des parts sociales et peuvent participer aux Assemblées Générales. C’est le cas du Crédit agricole, présent dans le monde entier. Leader français de la banque de proximité, il compte devenir le leader européen grâce à une politique qui met « le client au cœur d’un groupe en mouvement » et sa diversification digitale. La force du groupe est son organisation pyramidale avec à sa base près de sept millions de sociétaires qui participent à la stratégie de la banque. « Ce modèle qui privilégie le renforcement des outils de l'entreprise pour assurer sa compétitivité et sa pérennité prouve sa modernité », explique Dominique Lefebvre, président de Fédération nationale du Crédit Agricole (FNCA).

C’est également l’avis d’Yves Guénin, le Secrétaire Général d’Optic 2000, leader dans le secteur de l’optique qui confie que « personne n'aurait pensé que cette petite coopérative avec son enseigne Optic 2000 deviendrait un jour le leader français de la lunette ! ». Gestion prudente et gouvernance démocratique ont transformé le regroupement local d’opticiens en une coopérative de renommée internationale, aujourd’hui premier réseau de distribution non-alimentaire en France. La préservation du modèle historique coopératif permet au groupe de proposer « une nouvelle vision », tournée vers les enjeux de santé publique (vieillissement de la population, proximité) mais également vers plus de solidarité. Le groupe s’est ainsi associé à ce titre avec l’AMF Téléthon afin de développer les thérapies innovantes pour les maladies génétiques oculaires. Le groupe est également impliqué dans des actions de dépistage en Afrique. « C'est presque un défi sociétal que nous relevons dans un monde gouverné par l'urgence économique », ajoute le secrétaire général d’Optic 2000. Saluée et imitée, cette démarche semble en tout cas bien en phase avec les mutations de l’économie de marché.

Un modèle d’avenir ?

Après avoir été décriées, notamment dans les années 1970, les organismes coopératifs regagnent aujourd’hui les faveurs des pouvoirs publics. Ainsi, la Commission Européenne a publié le 23 février 2004 une note sur la promotion des sociétés coopératives en Europe qui souligne leur dynamisme et leur capacité à faire face à la morosité ambiante grâce à leur capacité d’adaptation et d’innovation. De même, le Conseil des ministres de l’OHADA a adopté le 15 décembre 2010 à Lomé (Togo), l’Acte uniforme portant droit des sociétés coopératives.

C’est surtout l’essor de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) qui remet la coopérative sur le devant de la scène et l’institutionnalise, notamment depuis la loi Hamon promulguée en France l’été dernier. A l’inverse de l’économie financière, l’ESS met des valeurs telles que l’égalité, l’équité et la solidarité au cœur de l’économie. La finalité est ici de proposer une autre voie au « capitalisme ordinaire », victime des excès de la financiarisation. Cette philosophie est également celle de la coopérative, où le capital n’est qu’un moyen de financement. De plus, cet éloignement des marchés financiers a permis aux organismes coopératifs de résister à la crise avec un chiffre d'affaires cumulé de plus de 298 milliards d'euros en 2012, en hausse de 15 % depuis 2008. Ces derniers ont ainsi recruté 4 % de salariés en plus, tout en contribuant au développement économique du territoire puisque les trois quarts ont leur siège social en région. « Par la stabilité financière, la qualité de service et la performance économique qu’il garantit, le système coopératif constitue donc un véritable modèle d’avenir pour notre économie. Il est du devoir de nos décideurs d’en faire la juste promotion et de savoir en soutenir le développement économique » conclut Yves Kerouedan à la tête du groupe Astera, groupe coopératif leader en Europe dans la distribution de produits pharmaceutiques.

A propos

Date de parution:
mer, 26.08.2015 - 09:42
Source: 
Olivier Giraud, texte exclusif
Organisation: 
Olivier Giraud
Thématiques: 
But non lucratif ou lucrativité limitée
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Gestion/management
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